Georges42 Admin
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| Tema: Étonnante Église. L'émergence du catholicisme solidaire. Lun Sep 10, 2007 10:21 am | |
| Grégory Baum
Étonnante Église. L'émergence du catholicisme solidaire
P. David Roure
Saint-Laurent (Québec), Éd. Bellarmin, coll. « L'essentiel », 2006. - (13x19), 232 p., 18 €.
Esprit & Vie n° 173 - Juin 2007 - 1re quinzaine, p. 24-25.
Né à Berlin en 1923, ayant émigré au Canada dès 1940, ayant étudié la théologie dans ce pays mais aussi aux États-Unis, Gregory Baum est un théologien qui s'est d'abord intéressé à la théologie et à l'œcuménisme, mais aussi à l'éthique sociale. Il a beaucoup écrit mais peu a été jusqu'ici traduit en français où l'on se souvient surtout de sa thèse L'unité chrétienne d'après la doctrine des papes, de Léon XIII à Pie XII, que le P. Congar accueillit en 1961 dans sa célèbre collection « Unam sanctam » (n° 35). Cette thèse que Baum juge « plutôt embarrassante aujourd'hui, car elle manque d'imagination œcuménique » (p. 7) lui permit toutefois d'être nommé peritus (expert) au Secrétariat pour l'unité des chrétiens durant tout le déroulement du concile de Vatican II. À ce poste-là, il accomplit un travail important et une expérience riche de l'ensemble des Églises et communautés ecclésiales séparées de Rome qui lui sera bien utile par la suite. Congar le citera ainsi à plusieurs reprises dans son Journal du Concile (2002) et Hans Küng, dans ses récents Mémoires (2006), parlera de lui comme d'un « représentant réputé de la théologie catholique » (p. 320), d'un « représentant anglophone des progressistes » au Concile (p. 423), du « spécialiste canadien en œcuménisme » (p. 444), et même d'un « ami » (p. 480 et p. 502).
Ce petit livre, qui se lit bien, apparaît comme le bilan, la synthèse d'une vie au service de l'Église et de la théologie, faisant un peu penser, dans un tout autre genre, à l'appréciée Promenade en théologie du bénédictin français Ghislain Lafont (voir Esprit & Vie n° 113, octobre 2004). Baum choisit, lui, de montrer à quel point l'Église catholique a évolué sur bien des sujets, qui sont loin d'être de détail. Bien sûr, un certains nombre d'inexactitudes sont agaçantes : non, l'affaire Feeney dans les années 1949, ne concernait pas que les protestants ! (p. 153.) Non, la déclaration de Toronto du Conseil œcuménique des Églises ne remonte pas à 1958 mais à 1950 (p. 159), etc., mais n'ergotons pas sur des vétilles. Et si Baum, comme il le reconnaît lui-même, se limite aux textes du seul magistère catholique, c'est que leur évolution lui suffit amplement pour « montrer que l'Église entre dans la culture moderne marquée par un nouvel horizon éthique, qu'elle est disposée à relire les Écritures et sa doctrine traditionnelle afin de réagir au nouveau contexte historique d'une manière critique et avec créativité » (p. 11).
Le premier chapitre montre la « conversion (de l'Église catholique) aux droits de la personne » (p. 17-47) : ici, après des textes pontificaux de Grégoire XVI et Léon XIII, dûment analysés par Baum, le tournant fut amorcé par l'encyclique Pacem in terris de Jean XXIII (1963), continué par Gaudium et spes. Le deuxième chapitre (p. 49-75) fait apparaître comment, en rompant avec la séparation entre nature et grâce (ce qu'avaient annoncé dès la fin des années cinquante un Rahner ou un Lubac), l'Église peut désormais discerner « la présence rédemptrice de Dieu dans l'histoire » des hommes. Alors, conclut Baum, « ce que veut dire la toute-puissance divine, c'est que, quelle que soit la prison où se trouvent les êtres humains, qu'ils se la soient infligée à eux-mêmes ou qu'elle leur ait été imposée de l'extérieur, la puissance salvifique de Dieu les accompagne, leur offre sa consolation, nourrit leur désir de libération, les aide à dépasser l'amertume et le désespoir et renforce leur espoir de justification dans cette vie ou dans l'âge à venir » (p. 75). Les deux chapitres suivants détaillent comment l'Église catholique a désormais pris résolument une « option préférentielle pour les pauvres » (p. 77-122) et promeut avec tout autant de force une « culture de la paix » (p. 123-150). Sur ces deux points, notre théologien rend hommage au rôle décisif de l'ancien pape Jean-Paul II. Dans le cinquième et dernier chapitre, le plus long (p. 151-201), il montre enfin comment l'Église catholique s'est ouverte au dialogue avec les autres confessions chrétiennes, avec nos frères aînés juifs et avec les autres religions. Sur ce dernier point, qui sera sans doute le grand défi des chrétiens dans le siècle qui commence, il analyse avec précision et finesse comment le magistère récent s'est efforcé et s'efforce toujours d'articuler deux éléments en tension, à savoir le dialogue interreligieux et la mission évangélisatrice de l'Église. Dans tous ces débats, brûlants, qui agitent légitimement bien des catholiques actuellement, Baum ne cache pas ses options personnelles, toujours à l'avant-garde à la fois de la réflexion et de la pratique : ainsi, il n'hésite pas à critiquer, dans le domaine œcuménique, le refus de la communicatio in sacris, encouragé, selon lui, par un « courant conservateur de l'Église d'aujourd'hui [étant] arrivé à persuader les évêques locaux » (p. 161), et, dans le dialogue interreligieux, la déclaration Dominus Jesus de l'automne 2000. Notre auteur ne mâche pas ses mots… et ouvre ainsi plus d'un débat dans une théologie catholique qu'il ne semble pas vouloir voir s'aseptiser peu à peu…
Au-delà de questions de personnes ou de polémiques somme toute un peu stériles, Baum pose dans ses dernières pages une interrogation essentielle pour le christianisme d'aujourd'hui et de demain : si l'Église, « en s'ouvrant à un nouvel horizon éthique a dû réviser son enseignement officiel » et amorcé une « évolution extraordinaire » (p. 203) lui ayant permis de « reconnaî[tre] la liberté, l'égalité et la participation comme des valeurs qui s'appuient sur la révélation divine » (p. 204) et de faire émerger un « catholicisme de solidarité », jusqu'où pourra-t-elle, ou même devra-t-elle, aller dans le « respect de l'altérité » (p. 187) et du pluralisme théologique ? Dans ses toutes dernières pages (p. 222-228), il essaye alors de développer « six aspects [de ce] catholicisme solidaire qui montrent sa fidélité à la Tradition catholique ». Voilà une ultime raison de lire et méditer ce petit ouvrage qui donne à penser.Pris de Esprit et Vie | |
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