Nos plus belles années. L'avenir de la vie religieuse.

Joan Chittister

Nos plus belles années. L'avenir de la vie religieuse

Sr M.-Pascale Gounon, clarisse

Montréal (Québec), Novalis, 2006, 280 p., 20 €.

Esprit & Vie n° 173 - Juin 2007 - 1re quinzaine, p. 14-15.

Johan Chittister, bénédictine d'Érié (États-Unis), prieure de sa communauté, en retrace l'histoire et l'évolution psychologique et théologique entre 1958 et 1995, dans l'esprit d'ouverture demandé par le concile de Vatican II. Le titre de l'édition anglaise : The Way we were. A Story of Conversion and Renewal, rend mieux compte du contenu de ce livre que ses titre et sous-titre français.

Les bénédictines d'Érié venues d'Allemagne au xixe siècle éduquaient dans des écoles paroissiales les filles de leurs compatriotes émigrés. Cent cinquante ans plus tard, déclare l'auteur, « notre réseau de relations et le rôle que nous jouons se modifient sans que nous le voulions. Le seul choix que nous ayons est de savoir si nous décidons de participer au changement ou de lui résister. » Sous le gouvernement de trois prieures, elles prirent le parti de « s'engager dans un nouvel univers de grâce et de don, tel est le défi de la conversion ». Il se déroula en trois phases : déconstruction, croissance, revitalisation. La troisième sous le priorat de l'auteur.

Le récit, mené d'une plume alerte, agace parfois, frôlant la caricature : il semblerait qu'aux États-Unis, seules les religieuses ont été touchées par l'événement conciliaire dont les textes sont d'ailleurs analysés de manière pertinente. Les revendications féministes, les sentiments de frustration et la prétention universelle au sacerdoce, ainsi que la place donnée aux questions vestimentaires, ôtent du sérieux au propos. La perspective du renouveau conciliaire semble un peu étriquée quand elle est vue à l'aune des aspirations et des besoins des sœurs. Pourtant on aurait tort de s'arrêter là. Cette expérience laisse découvrir comment ce monastère à vocation apostolique s'est laissé bousculer pour redevenir un « lieu-source » dans un « vivre-ensemble » à l'écoute des personnes à l'intérieur et à l'extérieur de la communauté. Ensemble, les sœurs ont repensé totalement leurs activités et leur manière de vivre, mettant l'accent sur leur mission de messagères de paix, selon la devise de saint Benoît, et sur celle de témoins de l'Amour, en découvrant les besoins d'aujourd'hui dans les milieux défavorisés autour d'elles, et même beaucoup plus loin puisque quelques-unes sont parties en Amérique latine et en Asie.

L'auteur ne cache pas les difficultés, les lourdeurs, les erreurs, mais rend compte d'une tranche de vie assumée par toute une communauté parfois au bord de la rupture mais qui a su reconstruire son unité dans le respect des personnes, de leur cheminement, à la lumière de la Règle de saint Benoît redécouverte « pour servir aujourd'hui, pas hier, dans une communauté monastique, pas dans un musée du monachisme ». Le leadership n'a pas à contrôler un groupe en marche vers la conversion, il « ne répond pas à des questions ; il se contente de les poser assez tôt pour permettre au groupe de trouver sa propre réponse, avant que les besoins de la culture ne dépouillent le groupe de ses ressources, [les leaders] se concentrent sur ce qui s'en vient et non sur les détails de l'immédiat ». Mais le leader ne peut rien sans le groupe et « les groupes peuvent refuser d'aborder les questions qu'on leur soumet […] » « Dans l'histoire récente, la vulnérabilité du leader n'a jamais été aussi évidente que durant la période du renouveau des communautés religieuses. »
Pris de Esprit et Vie